« Par Elune, ce satané roublard n’est pas non plus à Theramore. Ou alors il se cache bien... Remarque, Tancrède même nu dansant sur les docks arriverait à n’être pas remarqué. » Feldar sortit des plis de sa robe un mécano-indicateur temporel. « Et vu l’heure, je pense que je vais rester ici cette nuit. » D’un trait, la chope d’hydromel fut finie d’être vidée, et Feldar gravit pesamment les escaliers de l’auberge, fourbu par plusieurs jours de recherche harassants. « Demain j’entame le voyage vers l’autre continent, et là, je te trouverai Tancrède ! » dit il avant de se laisser tomber à la renverse sur le lit à baldaquin.
L’aube naissante découvrit un Feldar ragaillardi sur le ponton de Theramore, avec pour seuls compagnons quelques mouettes se battant les restes d’un poisson. Assis sur une caisse, il regarde au loin la silhouette d’une voile blanche qui se précise. Une petite douleur le saisit soudain au creux du dos alors qu’une voix inconnue - probablement celle d’un nain - lui chuchota à l’oreille « cessez vos investigations, ou il vous en coûtera.
- Pas besoin de s’énerver » répliqua l’elfe en verrouillant son esprit sur celui de l’inconnu.
« Mais que... qu’est ce qui m’arrive ? ! » demanda le nain, stressé, alors que sa main lachait la dague, et que ses jambes lui intimaient l’ordre de passer devant Feldar. L’elfe regarda s’avancer son agresseur, qui marchait tel une grosse marionnette barbue toute de marron vêtue.
« Si tu ne veux pas barboter avec les requins de la baie, tu vas me répondre : où est Tancrède ?
- Vous êtes fous !...
- Mauvaise réponse ! » Le nain avança jusqu’au bout du dock. « Deuxième essai : où se trouve Tancrède ?
- Mauvaise réponse ! Encore ! » Le nain sentit son corps se mettre en équilibre sur une jambe ; la sueur perlait sur son front. Du coin de l’œil il aperçu un mouvement à la surface de l’eau.
« Attendez, gémit-il, c’est le SI7 qui m’a envoyé vous stopper, je ne sais pas qui est ce Tancrède, je ne suis de leur agent que depuis deux semaines. P...p...pitié messire !
- Où se base ce SI7 ? Réponds !
- A stormwind, dans le vieux quartier à côté de la caserne ! Pitié laissez mi partir. » Le nain pleurait littéralement alors que son corps tremblait à l’extrémité du ponton.
« Tu fais un bien sale boulot l’ami, tu devrais songer à te reconvertir, soupira Feldar, mais pas en dîner pour requin, cela ne me semble pas raisonnable. Allez file ! » L’elfe le remit sur ses deux jambes avant de lui rendre l’usage de son corps.
« Merci messire, ne vous inquiétez pas, vous ne me reverrez plus jamais, je vous le jure. » dit le nain en s’enfuyant. Interloqué, Feldar se demanda si cette promesse, venant d’un assassin, était vraiment de nature à le rassurer. « Bof. Au moins ça m’a fait passer le temps, et maintenant je sais où chercher. » L’elfe haussa les épaules et se leva tandis que le le bateau qui l’amènera sur l’autre continent entamait ses manoeuvres d’accostage.
A bord, la traversée fut paisible ; la nourriture n’était pas terrible, mais les remous de la mer n’incitait pas Feldar à l’appétit. Le bateau était à peine parti depuis une semaine que déjà les mouettes annonçait son arrivée au port de Ménéthil. Soulevant un pan de sa robe, le prêtre enjamba la rambarde pour monter sur le quai.
« Dîtes moi mon ami, le temps semble se couvrir, et je pensais emprunter un griffon pour me rendre à Ironforge, pensez vous que mon voyage sera perturbé par la pluie ? » Demanda-t-il au chef de quai.
« Pas de problème l’oreille pointue, ça va être calme encore un bon moment, mais ne tardez pas trop.
- Fort bien, merci l’humain, je m’y rend sans plus attendre. »
Le griffon n’avait pas quitté la baie que déjà les premières gouttes fouettaient le visage du prêtre. « Itfa r’iech, et moi qui pensait que les nuages n’avaient pas de secrets pour les marins ! » Le griffon survola sous la pluie battante les montagnes de Dun Murogh avant d’aller se poser dans la cité forge.
« Quelle poisse ! Avec tout ça, va falloir que je m’arrête chez les mangeurs de cailloux » pensa Feldar.
L’aubergiste le voyant passer la porte dégoulinant, les cheveux défaits esquissa un sourire rieur qu’il ravala devant le regard assassin de l’elfe. « Je veux une chambre, une soupe de poisson, et ne pas être dérangé avant demain matin.
- Pas de problème, installez vous chambre deux, lui dit l’aubergiste en lui lançant une lourde clé de bronze, je monte votre soupe dans dix minutes. Ne vous inquiétez pas, nos chambres sont aussi tranquilles que des coffres forts !
- En fait la soupe je préférerai au feuillargent...
- Pas de problème messire. »
Feldar gravit quelques marches menant à l’étage.
« Laissez tomber la soupe, je prendrai du ragoût, mais sans rat dedans.
- Messire, il n’y a jamais de rat dans les ragoûts nains !*
- Bien bien.
Entré dans la chambre, le prêtre se délesta de son sac sur la peau de d’ours au sol, et mit sa robe à sécher sur une chaise proche d’un gros poêle noir qui dardait une forte chaleur dans la chambre.
Après un repas frugale ( à l’origine douteuse ), Feldar s’endormit recroquevillé sur le lit trop petit que lui offrait sa chambre afin de s’octroyer une petite sieste digestive. Il eut l’impression de s’être à peine endormi quand un chuintement métallique le tira de son sommeil. Vif d’esprit, il ne bougea pas d’un poil, ne voulant pas laisser penser à son visiteur impromptu qu’il était sur le point de lui faire payer son intrusion dés qu’il approcherait. Tranquille comme un coffre fort ! Je ferai peut être mieux de garder mon or sur moi, pensa Feldar.
« Feldar... Je sais bien que je t’ai réveillé. »
Il baissa doucement les yeux sur la silhouette qu’il entr’aperçu assis sur une chaise faiblement éclairé par la lueur des charbons ardents. Cette voix, je la connais, se pourrait il que...
« N’allumes pas la bougie, lui dit l’inconnu, il est préférable que personne ne me voit... ainsi. » Feldar se releva mais ne put distinguer que les contours rougeâtres d’une silhouette aux longues oreilles.
« Tancrède...mais que... comment es tu rentré, j’avais fermé à clé !
- Ah bon ? J’avais pas remarqué... » Feldar sentit une pointe de suffisance dans cette dernière remarque. « ... Mais trêve de bavardages, pourquoi me cherches tu ?
- Ben... euh... Je m’inquiétais, cela fait longtemps que tu n’as pas donné de nouvelles. Où étais tu ?
- Pour toi comme pour moi, il vaut mieux que tu ne saches pas. Ne t’inquiètes pas, je n’ai pas de soucis, mais j’ai une mission qui risque de durer encore longtemps. Dés que j’ai fini, promis, tu seras le premier prévenu.
- Combien de t... Tancrède, où es tu ? »
En à peine deux secondes, la silhouette s’était estompée jusqu'à disparaître.
« Pffff, tout ça pour ça ! ? Pas bavard le compère... » Un miroitement métallique attira le regard du prêtre vers la table de nuit. Un couteau à courte lame courbe était posé sur un morceau de parchemin. Feldar alluma la bougie, et lu le message à la lueur vacillante de la flamme.
Cher ami, je vous prête mon couteau à dépecer élaboré par un des plus grand maître chasseur, mais j’ai bien peur que vous deviez demander à quelqu’un d’autre pour vous apprendre à vous en servir. Bien à vous.
T.
Feldar resta quelques secondes interloqué...
« Comment a-t-il su ? ? »
* : tout les nains savent que le rat se prépare grillé et non en marmite**
** : pour le ragoût, ils préfèrent de loin le moelleux des limaces.
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