Tu te souviens certainement de notre rencontre. A cette époque j'étais moussaillon, fraîchement embarqué à bord du Vae Victis, îvre d'aventure, prêt à écumer les mers pour en trier un quelconque profit monétaire (j'étais bien sot...). Nous ravitaillions en eau douce notre goêlette, cachés dans la crique de Falnir, lorsque nous découvrîmes ton corps porté par les vagues, bleuit par un trop long séjour immergé. Qui eut crû qu'avec ce corps si frêle tu survécusses à la destruction, à plusieurs milles en haute mer, du navire qui t'acheminait vers la capitale ? A peine t'avions nous rappatrié sur la terre ferme que tu recrachas, de toi même, des litres d'eau de mer (il n'était pas écrit que ce serait ton heure) avant de t'effondrer, endormi comme un bienheureux. Dis moi, est ce depuis ce temps là que tu as une saint horreur des boissons non alcoolisées ?...
Le capitaine n'eût pas le courage d'abandonner l'enfant sur cette plage que les falaises cachent à la vue des navires (d'aucun me diront que l'on peut l'apercevoir depuis la mer. Certes, si l'on est assez fou pour naviguer prés d'une côte nimbée de récifs de coraux et de vestiges de batîments affleurants la surface de l'eau). Dés lors, tu rejoignis notre équipage, partageant avec moi le bout de ponton que nous astiquions avec coeur, désireux que notre ardeur au travail prenne grâce auprés du capitaine. Que jamais il n'ai à regretter de nous avoir recueillis.
Te rapelles tu ? Nous passions nos soirées à "ferailler" avec nos balais, nos passes d'armes à moitié cachés par le foc. Tu te souviens de l'unique conseil que nous rabachait le vieux Baptiste !? : " Plus prés du sol ! Arquez vos jambes les mômes ! Si vous chûtez au cours d'un combat, ce s'ra sûrment votre dernier ! ". Il radotait le pauvre vieux, mais tu ne peux nier que son précept nous fut salutaire. Nous naviguions au large de Lordaeron, perdus dans un brouillard qui était apparu aussi soudainement qu'il était épais (ce n'est pas peu dire), lorsque nous vîmes par tribord à quelques brassées en avant, la proue d'un galion défraichi. Le barreur de quart eut à peine le temps de modifier notre cap afin de n'être pas éperonnés par ce vaisseau surgi du néant. Mais déjà une bataille s'engageait, des dizaines de flibustiers à la chair putréfiée jaillissaient de leur bastingage, le sabre au clair. Nous n'avions reçu les notres que depuis une quinzaine, et aucun sang ne les avait encore souillés. Cette "injustice" fut rapidement réparée quand nous tailladâmes bien des mollets avant que d'ôter la vie (une nouvelle fois) à ces abominations, en même temps que l'on les délestait de leur boîte crânienne.
Une bataille... effrayante, mais nous en vîmes de bien pires, n'ets ce pas ?
Entre tous ces affrontements, tous ces voyages, toutes ces "taxes maritimes" comme aimait à les appeler les capitaine, c'est aussi dans les tavernes des quatres coins d'Azeroth que nous avons vécus beaucoup de nos aventures. Nous découvrions... Il y eut... Les premières bouteilles de rhum, ses premiers excés, les premiers réveils amnésiques dans les bras d'une demoiselle, les courses qui s'ensuivaient, tout deux galoppant, retenant notre culotte d'une main et tentant de boucler notre ceinture de l'autre.
...
Dis moi... Que c'est il passé ce soir du 26 avril de l'an 11 ? Le capitaine avait signé notre enrôlement dans la flotte royale, et nous fêtions joyeusement cet évènement... Corsaire, quel plus beau métier ?... La piraterie pour la bonne cause... Excuses moi de ne pas t'avoir prêté assez attention, excuse moi de n'avoir pas su prévoir ton départ cette nuit là. Mais tu aurais pu me prévenir tout de même !? J'aurais pu te convaincre de rester ?! Ou alors serai je parti avec toi ?... Et alors partagerais-je aujourd'hui la potence à laquelle tu pendouilles, inerte, plus froid que ce jour où je t'ai arraché aux flôts...
Mon frère...